Quand on prend en main ce beau folding, on se dit que l'identification va être aisée, car une plaque gravée au nom de l'ancienne maison Carpentier-Wayant-Paul Maitrejean successeur annonce Fabrique d' Ebénisterie Photographique 16 bis rue Gasparin Lyon, mais renseignements pris, Carpentier-Wayant-Maitrejean semble ne pas avoir fabriqué grand-chose, ou en tout cas a laissé peu de traces.

Une seconde piste est donnée par l'objectif E. Suter Anastigmat série I, 6,8/135. Effectivement, on trouve dans un catalogue des Grands Magasins du Louvre de 1913 un appareil pliant 9 x 12 fort ressemblant. Mais là encore... Suter était opticien, et rien ne dit qu'il ait jamais fabriqué les appareils qu'il vendait sous son nom. C'est le hasard qui m'a permis de remonter jusqu'au (très probable) véritable constructeur.

Plusieurs appareils semblables ont fait leur apparition sur le forum de cet excellent site (...) dont un portant une inscription, sur une pastille d'ivoirine à l'intérieur du boîtier : Bülter & Stammer Hannover. On arrive donc à la Zweiverschluss-Klapp-Kamera 9 x 12 de 1911, dont l'illustration dans le McKeown est identique à celle de l'appareil pliant Suter des Grands Magasins du Louvre ! Il y a cependant quelques différences par rapport à l'exemplaire qui nous occupe ici ; ce qui est le plus visible concerne les commandes de l'obturateur arrière.

A ce stade, je dois donc vous révéler que cette chambre possède deux obturateurs, ce que les germanophones devaient commencer à pressentir... et qui est assez peu courant. L'un, central, est monté sur l'optique de façon habituelle et autorise des temps d'exposition relativement longs, de 1 s à 1/100, plus les poses B et T. L'autre se trouve à l'arrière, il s'agit d'un obturateur à rideaux dont on peut régler la tension, ainsi que l'espacement entre le premier et le second rideau. Les vitesses de celui-ci sont plus difficiles à connaître, mais en théorie plus courtes qu'avec l'obturateur central.
La platine permettant donc le réglage de tension apparaît pivotée de 90 ° par rapport aux gravures des catalogues, et le levier de déclenchement semble différent. C'est sans doute ce levier, lequel possède un ergot de verrouillage occupant l'espace vers le bas, qui justifie ce montage décalé.

On l'a vu, l'objectif est un Suter, différent donc de ce que proposait Bülter & Stammer. Voici donc ce qui est le plus vraisemblable : Monsieur Paul Maitrejean achetait des boites anonymes chez Bülter & Stammer, ainsi que la quincaillerie qui va avec. Il profitait du voyage pour acheter des objectifs chez Suter, c'est sur le chemin. Dans ses ateliers de Lyon, il assemblait tout cela, avec une modification "maison" de l'obturateur central pour justifier de son enseigne "Fabrique d' Ebénisterie Photographique". Il ne restait plus qu'à visser une plaque gravée au nom de la maison Carpentier-Wayant-Maitrejean.

Il s'agit dans tous les cas d'un appareil "petit format" (!)- pour son époque- plutôt perfectionné et peu courant car sans doute destiné à une clientèle exigeante : double obturateur, triple extension... le prix devait en être multiplié par quatre ! Simple photographe s'abstenir ! Le décentrement est possible, tant horizontalement que verticalement. L'obturateur avant est un Ibso de Alfred Gauthier, sorti juste quelques année auparavant (1908), à frein pneumatique.
La mise en plaque se fait sur dépoli, mais un viseur pliant existe sur le dessus, autorisant des prises de vues plus dynamiques. Juste à côté, un niveau à bulle est le complément naturel de l'écrou de pied (gros pas), pour un calage parfait (pour que le lac Léman photographié, par exemple, ne semble pas vouloir se déverser trop vite vers Lyon pour cause d'inclinaison !).