L'Epopée Gitzhoven (1/2)

par Didier Robinet et Sylvain Halgand, avec la complicité de Guy Raynaud

Le texte et les illustrations de cette page ne sont pas libres de droit. La reproduction du contenu n'est pas autorisée sans autorisation écrite de Sylvain Halgand et de Didier Robinet.
Source des brevets et des dessins de brevets : INPI. Infographie : Sylvain Halgand

 

Gitzo1974

 

Partie 1 Partie 2
Notes Autobiographiques d'Arsène Gitzhoven
Les Acteurs Principaux
Les Lieux de Production
La Vie de la Société
Gitzo à l'International
Les Salons
Les Déclencheurs
Les Obturateurs
Au Rendez-vous des Gros
Les Rondelles Universelles
Les Appareils Photo
Les Tourelles
Les Retardateurs
Les Pieds
Les Titreuses
Les Visionneuses
Les Accessoires pour Flash
Divers Photographie et Cinéma
Et Ce'nest Pas Tout !
La Fabrication
La Publicité
Les Catalogues

NOTES AUTOBIOGRAPHIQUES d'Arsène Gitzhoven


Arsène Gitzhoven a laissé plusieurs manuscrits et une version tapée à la machine, de ses mémoires. Nous avons utilisé cette dernière, enrichie de quelques éléments supplémentaires tirés des versions manuscrites. Quelques fautes ou tournures ont été revues pour une meilleure compréhension, mais autant que possible, nous sommes restés fidèles à l'original.


Manuscrit



Pour raconter une vie aussi mouvementée que la mienne, il faudrait un livre. Ces quelques anecdotes en donnent une idée.

Arsène est le fils de Jean, cordonnier et Aurélie Perrine Louise Thebault, sans profession.

Né le 22 décembre 1893 à Paris 13e de parents pauvres, mais travailleurs et sans tare.

Mon père, né à Metz en 1863, a, au péril de sa vie, franchi la frontière à l’âge de 20 ans. A Nancy, il a appris le métier de cordonnier, puis il est venu à Paris. Les travaux manuels étaient très mal payés. Il a rencontré ma mère qui était serveuse dans un restaurant, et malgré leurs maigres ressources, ils se sont mariés et ont eu 3 enfants. J’en étais le cadet.

Si je commençais à raconter des choses insignifiantes comme par exemple avoir attrapé le croup à l'Exposition Internationale de 1900 et que j'ai été un des premiers sur lequel a été expérimenté le vaccin du Docteur ROUX contre la diphtérie, on n'en finirait pas.


J'arrive en première classe, celle du certificat d'étude, à la communale et dès les premiers jours le Tortionnaire d'Enfants s'approche de moi pour me frapper ; il s'était sans doute figuré qu'étant deux fois plus grand, il m'aurait intimidé.
Je me suis cabré et lui envoyant le contenu de mon cartable sur les pieds, je me sauve. J'avais 11 ans et 8 mois. (Le Directeur Monsieur Bouteiller, un brave homme a essayé de me raisonner ; inutile ! Ma décision était prise ; il m'a dit : "Tu te rappelleras de moi, quand tu auras 20 ans". Je n'ai pas eu le temps de penser à lui, j'avais autre chose à faire.).
Si ce fils de garde-chiourme venait se comparer à moi qui suis autodidacte cent pour cent et surtout puisque non content de m'instruire j'ai appris seul mon métier, il n'arriverait pas à la hauteur des semelles de mes souliers.


La vie était dure à l'époque et ne voulant pas être aux crochets de mes parents, je trouve du travail dans une imprimerie. je ne gagnais que 10 sous par jour, mais cela les soulageait un peu, ma mère ne gagnait que quatre sous de l’heure en faisant des ménages. J'étais heureux au point que le soir, j'allais voir travailler mon patron pour essayer d'en apprendre le plus possible. C'était trop beau. Au bout de quelques mois, le 6 août 1906, j'avais 12 ans et 8 mois, je me fais prendre le bras dans une machine ; pendant qu'on allait chercher une voiture pour m'emmener à l'hôpital, je regardais mon bras ensanglanté en ayant l'air de lui dire : "Quand je reparaîtrai ici tu ne seras plus là ! ..."
A Cochin, le chirurgien décide de m'amputer, mais mon père s'y oppose et dit : "Il sera peut-être impotent, mais il aura son bras ! ".
Il avait raison ; il a fallu un moment pour la rééducation, mais j'ai toujours cette main qui, si elle n'est pas belle, est presqu'aussi adroite, si l'on peut dire puisque c'est la gauche .
J'avais bien du mal à trouver du travail, du fait de cette infirmité, j'allais de place en place.


En 1910, le travail se faisait rare à Paris. Je suis parti sur la route et tout en bricolant, je suis arrivé à Lille à pieds naturellement.
Le Trimard est une chose qui brise ou façonne un individu selon ses dispositions.
Un jour, nous étions deux à l'abri sous un auvent qui se trouvait sur le côté d'une maison. Il pleuvait à torrent ; le croquant à qui appartenait le champ où se trouvait cette maison vint nous chasser.
Quand nous sommes arrivés à l'asile de nuit, qu'un clochard nous avait indiqué, on nous a pris nos frusques qui ont été passés à la désinfection et on nous a dirigé vers les douches. On nous a donné un bol de bouillon et un quignon. Le lendemain matin, quand on nous a remis nos loques complètement chiffonnées, tout ce qui était en cuir était détruit et nos bretelles ne pouvaient plus servir. On avait volé la montre à mon camarade. Il doit y avoir des "soi-disant" clochard qui passent la nuit dans ces établissements pour dérober ce que ceux qui n'ont pas l'habitude ne mettent pas en lieu sûr.
Nous passions dans une rue de Lille où un hobereau dont la race a été détruite en 1936, n'a pas trouvé mieux comme nous étions loqueteux, de nous donner un coup de fouet ; après 250 km, nos pieds sortaient sur le côté de nos chaussures complètement usées.

Dégoûté de ce vilain monde, je demande à être rapatrié.
On me donne 2 francs et un billet de chemin de fer avec les 2 francs j'achète un paquet de tabac de 2ème zone et vais manger une soupe à un endroit où vont les clochards. Cette soupe est un genre de bouillon fait avec des os de veaux…c'est gélatineux. Mais j'avais faim et cela représentait un festin.
Je monte en wagon, et pour éviter d'avoir mal au cœur, je me mets dans un coin, face à la marche. En face de moi, vint s’asseoir un militaire dont je ne connais pas le grade ; ça doit être un capitaine ou un commandant il est très jeune. Voyant que je me prépare à rouler une cigarette, il m’offre un cigare et nous voilà parlant comme si nous étions des amis.
Affectueusement, il me dit : "Pour vous, la vie commence et vous ne savez pas encore ce que vous deviendrez, mais en travaillant sérieusement, on peut toujours s'en sortir."
Le train s'arrête en gare du Nord ; comme il a plusieurs valises, j'en prends deux : il me dit : "Non ! chacun la sienne", et il m'offre d'aller avec lui dans une pâtisserie de grand luxe. Je lui fais remarquer que ma tenue n'est pas convenable pour cet endroit.
Qu'importe ! ..., il insiste et nous mangeons quelques gâteaux et buvons quelque chose de chaud. Il me donne sa carte et me dit : "Si vous allez à Lille venez me voir et pour le cas où je serais absent, vous y serez quand même bien reçu".
J'écris ce soir même chez moi pour parler de notre rencontre. Le temps a passé. J'ai été à Lille en 1922, mais j'avais égaré sa carte, et qui sait si l'on ne m'aurait pas donné des mauvaises nouvelles de ce gentil garçon, car il y avait eu entre temps cette horrible guerre de 1914.


J'ai la chance en rentrant de trouver une place où j'ai commencé à comprendre que mon métier devait être la mécanique. J'ai à peu de frais transformé une machine. Il fallait attraper les feuilles sortant de celle-ci après modification. Je n'avais plus qu'à regarder si tout allait bien. J'étais sauvé. Ma mère était malade depuis 2 ans ; mon père disparaît. J'ai 18 ans.
Plus tard, un dimanche, je rencontre une jeune fille qui me donne rendez-vous pour le samedi suivant. Si je manquais ce rendez-vous, impossible de la revoir. Je ne connais rien d'elle.
Pour gagner le plus possible, je travaillais le samedi après-midi et même le dimanche. Je demande l'autorisation de ne pas venir exceptionnellement ce samedi. Le contremaître qui croyait que c'était pour sortir avec une fille dont nous avions tous les deux les faveurs me dit : "Si tu ne viens pas, tu auras ton compte". C'était réglé. Mais j'ai pu aller à ce rendez-vous avec celle qui est devenue ma femme.


Me revoilà sur le sable pour plusieurs mois.


Je profite, étant libre, pour passer mon permis de conduire et même mon brevet de côcher de Fiacre, afin de pouvoir, plus tard, comme j'en avais l'intention d'acheter une voiture et faire le taxi. Je ne voyais rien de moins, que d'en acheter plusieurs et faire conduire les autres, ce que d'autres ont fait à ma place ayant de gros moyens.


Enfin, un ami me fait embaucher chez Monsieur Dandrieux, un bon patron qui faisait de la mécanique. J'y travaillais depuis plusieurs mois quand je me suis marié. Je lui ai demandé s'il pouvait employer ma femme qui travaillait comme vendeuse.

Arsène épouse Raymonde Félicie Cadot, à Bagneux.
Il a accepté et voilà ma femme près de moi. C'était merveilleux. On s'est marié le 25 Juillet 1914. Le 2 août c'est la guerre ; mon patron étant mobilisé le premier jour, ferme son usine et nous voilà tous les deux sur le sable et quel sable.


Il avait été décidé que nous aurions habité chez ma mère. Mais celle-ci était d'un caractère difficile et j'ai dû chercher autre chose. J'ai loué au coin du bd Port Royal et de la rue Pascal, une petite chambre au 7ème où l'on y avait installé, ce que l'on aurait pu à la rigueur appeler un lit. Il y avait également une malle et deux pliants.
Quand nous nous sommes mariés, ma femme avait juste pu payer son habillement ; elle avait été gravement malade quant à moi, j’avais 200 francs de dette en 1917. C'était énorme.
Comme il fallait quand même se nourrir, ne serait-ce qu'un peu, nous avons vendu des cartes lettres, dites de correspondance militaire : ça se vendait... mais comme notre capital était petit, dès que le stock ; si l'on peut dire, s'épuisait, je courais rue St-Meri où se fabriquaient ces cartes et en vitesse, revenais sur le lieu du commerce qui se trouvait au marché aux puces à Bicêtre ou autre marché Blanqui, entre un boucher et un épicier aux autres commerçants, si ceux-ci ne nous faisaient pas déguerpir ; ensuite ce fut, des cartes postales que l'on plaçait sur les stores des boutiques fermées et que de braves gens nous achetaient il fallait beaucoup de courage pour ne pas crever de faim et je n'avais toujours pas de métier.


Je trouve un emploi chez un fabricant de pâté de foie pour régler les machines à sertir les boîtes de conserves. J'étais un peu sauvé.
Mais en arrivant pour travailler le chef, me dit "Il te faut des sabots de bois". L'usine se trouvait au bout de la rue Bobillot. Je retournais chez nous Bd Arago et heureusement, on avait les 13 sous pour acheter les sabots et je commence le travail.


Arsène jeuneQuelques mois plus tard, Monsieur Dandrieux me convoque et demande, si je veux bien retravailler pour lui. C'était comme si le bon Dieu s'était redéguisé en Ange et j'acceptais avec joie.
Sachant conduire, je pouvais facilement aller au ravitaillement pour la fabrique ce qui me permettait de fournir tant que ça peut, si bien qu'au bout de quelques mois, mon cher patron a pu acheter des machines modernes et venir en ses ateliers pour fabriquer des outils à rayer les canons de fusils ce qui, à l'époque était indispensable. Il a également fabriqué des tambours de mitrailleuses qui ont rendu les plus grands services.
Mais, je pensais toujours qu'avec mon bras mutilé, je risquais un jour de me trouver sans emploi. Il fallait devenir Patron !!!

J’avais entre temps construit une machine semi-automatique qui devait permettre de faire des déclencheurs pour appareils photographiques. Il était temps car ceux qui avaient été mis en service au début de la guerre étaient usée et chaque appareil avait son modèle. Les Allemands avaient le monopole non seulement des déclencheurs, mais aussi des obturateurs et les fabricants français de chambres noires se trouvaient en panne. La fabrication d’obturateurs était aléatoire et délicate mais comme je ne voyais personne décidé à se lancer dans cette aventure il n’y avait pas à hésiter. J’en ai fait plusieurs modèles de plusieurs formats, d’autres accessoires sont venus, le premier appareil complètement métallique a été fabriqué dans notre atelier, mais je devenais le concurrent de mes clients et on m’a conseillé de repasser cette partie de mon industrie, ce qui a été fait aussitôt.

Je gagnais 120 francs par semaine, je donnais 20 francs à ma femme pour tout.  
A ce moment-là, et même longtemps après quand ça n'allait pas au mieux, on se contentait de haricots ou de pommes de terre, puis on achetait un petit morceau de lard, on le faisait frire et on le présentait aux haricots en leur disant : "Ce n'est pas encore pour aujourd'hui qu'il ira avec vous …" et des fois le lard durait une semaine et comme on avait la foi, on était en parfaite santé.

Le dossier militaire d'Arsène nous permet d'en savoir un peu plus ...

Il est exempté, le 24 novembre 1913, du fait de ses blessures au bras gauche.

Il est maintenu dans sa position par le Conseil de Révision de la Seine, le 16 septembre 1914.
Il est classé dans le Service Armé par la Commission de Réforme de la Seine, le 20 mars 1917 - Affecté au 62ème Rgt d'Artillerie, le 25 mai 1917 (Loi du 20 février 1917). Classé service auxiliaire par décision de la 2ème Commision de Réforme de la Seine du 18 juin 1917, pour cicatrice adhérente de l'avant-bras avec destruction partielle des extenseurs et des radiaux. Reformé par le 2ème Commission de Réforme de la Seine, du 11 septembre 1917 pour section des tendons avant bras gauche [antérieur à l'incorporation].

Mais la guerre n'était pas finie et un jour on a récupéré les plus au moins valides parmi lesquels, je figurais et me voilà parti. Pendant quatre mois, on m'a trimbalé de conseil en conseil : finalement on m'a libéré ; mais j'avais déjà 2 enfants.


Ce n'était pas le moment de traîner. J'ai trouvé une petite boutique de 3 x 5 m mais il fallait un moteur pour faire tourner les machines.
Je mets le beau petit costume qui m'avait servi pour aller au bal, mon petit chapeau et me rends chez Layac, un auvergnat qui vendait des machines d'occasion, rue de la convention.
Un monsieur me demande ce que je cherchais : "Un moteur" lui dis-je. Ce n'est pas ici que tu trouveras quelque chose de sérieux, surtout si tu es pressé. Viens, me dit-il j'en ai un, il fera sans doute ton affaire. Je vais avec lui rue de Lourmel et il me présente ce que je n'espérais pas trouver. C'était joli.


Un industriel nommé Grégoire avait fabriqué des autos dont le changement de vitesse se faisait en déplaçant des roues caoutchoutées sur deux volants, plus on excentrait, plus ça allait vite, mais il devait y avoir une difficulté pour réduire ou augmenter la vitesse et il a arrêté. C'était du moteur de cette voiture dont il était question.
Ce monsieur se nommait Gibon me fait un prix. Je lui dis que je n'ai pas les moyens de le payer comptant. Il me demande si je suis sérieux et si je le paierai. Je lui réponds par l'affirmative, il se baisse, attrape de ses deux mains l'avant de la voiture et la soulève sans effort, jusqu'à la hauteur de sa poitrine et me dit : "Tu as compris". Ce n'était pas difficile et j'acceptais. Je revins habillé en travailleur. J'avais loué une voiture à bras et on charge l'engin que l'on attache pour ne pas qu'il bouge et me voilà parti. Je devais tirer cette carriole.
Du fonds de la rue de Lourmel, jusqu'à la rue de la Santé en passant par le boulevard Garibaldi, boulevard de Grenelle, boulevard Pasteur et pour atteindre la rue du château, il y avait un petit bout de rue qui avait une pente très forte. Je m'arrête et n'aurais pas pu repartir sans le concours d'un petit gars qui m'a demandé s'il pouvait m'aider et nous repartions par la rue du château, la rue de l'Ouest, la rue Fraisdevaux, le boulevard Saint-Jacques, Un petit bout de la rue de la Santé et me voilà chez moi.


Mais il ne suffisait pas d'avoir un moteur, il fallait une transmission. Le lendemain avec ma sœur, nous allons rue de Lappe chez Besse, un marchand de matériel où j'étais très connu pour avoir acheté pas mal de choses, pour mon patron.
Je choisis un arbre en acier comprimé de 6 m des accessoires et nous voilà partis.
Nous prenons par le boulevard de la Contrescarpe, aujourd'hui boulevard de la Bastille et nous ne nous rendons pas compte que nous étions sur la voie du tram. Celui-ci arrive. Le bruit de notre carriole nous empêche d'entendre et le tram s'arrête non sans avoir touché notre barre. Monsieur Flic qui en ce temps n'était pas bachelier, nous impose le silence et prend seulement des notes sur la plaque de la voiture où était noté Boulevard d'Italie, dont le nom avait été changé en Auguste Blanchi et nous n'avons plus entendu parler de cette affaire.
Mais cette sacrée barre était faussée et il faut retourner la changer. Je connais les vendeurs. Je dis "elle est un peu trop courte" ; je la range dans le casier où j'en avais tiré tant de fois et j'en prends une autre. Le vendeur me dit "pour dix centimètres ça ne compte pas.".
Ça n'était pas une belle action, mais Besse est si riche, et il a fait suffisamment de bénéfices sur mon dos par la suite que je n'en ai pas éprouvé de remords.
J'installe cette transmission, pour refroidir le moteur, un voisin me donne un tonneau et je me procure chez un brocanteur un tuyau flexible et ça roule.
Le lendemain je viens de bonne heure ; à midi j'avais déjà une belle petite boite de pièces décolletées. Je sors de cette « mini usine et manque de tomber. J'ai du mal à aller jusque chez moi. Je suis intoxiqué. J'ai dû prendre du lait ou autre, ce détail m'échappe et après une bonne nuit, je retourne au boulot mais avant de mettre en route, je fais sortir l'échappement dehors. Ça commençait à bien marcher.


Ça n'a pas duré, les Allemands se sont mis à bombarder Paris et c'était l'exode des usines. On m'a demandé si je voulais partir à Tulle avec mon petit matériel. J'ai accepté et en m'occupant de mon travail, je réglais les machines de ceux qui m'avaient si gentiment invité.
J'ai vu la fin de la guerre dans ce pays, comme je pouvais conduire un camion, un de ces fabricants m'a demandé de ramener à Paris un lot de machines parmi lesquelles il y avait les miennes.
Pendant ce temps on m'avait trouvé un local où j'ai pu m'installer un peu mieux, puis il y a eu un 3ème enfant.



Avec le peu d'outillage que je possédais, j'ai entrepris la fabrication de châssis film pack.

Châssis Photo-Plait

Il a fallu faire l'outillage, ça a duré longtemps, je ne m'accordais que le temps de fumer une cigarette le dimanche après déjeuner sur le pouce, je m'asseyais sur une fenêtre d'où je voyais les gens passer. Pour moi, ils allaient tous à Robinson danser mais mes idées étaient vite parties vers des sujets moins amusants mais qui devaient me garantir l'avenir.
Quand l'outillage a été terminé, il n'était pas question d'emboutir les pièces avec une presse ; je n’avais qu'un balancier à main et le dimanche comme les jours de fête, me voyaient attelé tel un forçat à cette machine. Quand la fabrication a été lancée on livrait ces châssis à un fabricant d'appareils qui les revendait le double. Ça a duré un moment mais quand les boutiquiers ont été approvisionnés, je n'entendais plus parler de commande.


Je faisais pour un voisin des petits outils pour des machines à écrire. Il n'était pas riche ou il était profiteur et ne me les payait que le prix de l'acier, juste de quoi acheter du pain et des nouilles.


ObtuUn jour je prends la décision d'aller chez PHOTO-PLAIT, comme je n'ai plus rien à me mettre, je vais au Marché du Temple pour me procurer un pantalon et une veste, n'étant plus au courant de la mode et n'ayant pas beaucoup d'argent. Je choisis une veste en Alpaga et un pantalon, ce qui était le costume du garçon de café. Je me procure aussi une petite valise en carton et me voilà rue Lafayette. M'adressant à une secrétaire, je demande si je pouvais voir Monsieur PLAIT, impossible me répond-elle, il ne reçoit que sur convocation. Je sors du magasin juste au moment où la pluie tombe à torrent. J'arrive chez moi, la tête basse et complètement découragé. Je voulais m'asseoir, mais ma femme me présente une lettre de Monsieur Plait qui désirait me voir le plus vite possible. J'aurais pu tomber raide. On repasse le veston qui s'est mis à briller davantage, le pantalon et l'on sèche la petite valise et on y remet les accessoires et me voilà reparti. Monsieur Plait me reçoit avec la plus grande cordialité et me remet une commande pour six mois. C'était du délire.
J'aurais voulu avoir des ailes pour annoncer la bonne nouvelle et sans désemparer, je m’attèle à mon balancier, de façon à gagner l'argent qu'il faut pour acheter une presse. Elle est enfin arrivée pour me soulager.
Je ne dormais que 3 ou 4 heures ; ma constitution exceptionnelle et mon courage surhumain m'ont permis en quelques années d'inventer et de construire de nouveaux et nombreux articles. Je sentais que tout m'était permis par le travail et l'économie, car j'avais toujours le porte-monnaie et rien d'inutile n'était acheté.
J’avais dit ma femme :"Tu auras une auto et même peut-être un château mais tu le paieras comme moi". Ça n'était pas loin, mais il fallut tout dépenser â cause de la Sécurité sociale et il y a eu 2 jumeaux dont l'un a survécu.


EmbauchesFatigué et un peu dégouté, j'ai décidé de vendre mon affaire. J'avais 98 ouvriers.
Un ami me conseille de mettre en société. J’ai été contacté par un individu qui avait rassemblé trois fabricants de petits matériels pour en faire une société et il m’a convaincu que mon intérêt était de me joindre à eux. Pour que cela soit plus représentatif, et j’acceptais.
Il avait présenté l’affaire de telle façon et par l’intermédiaire d’un fondateur de société très réputé, qu’il avait obtenu le concours de plusieurs financiers connus pour leur droiture et leur conscience et naturellement, il s’était abrité derrière un brave homme dont l’honorabilité était à la hauteur de son incompétence, si bien qu’il a pu exploiter à son compte l’ensemble de ce qu’il avait pris sous sa coupe. C'était en 1930. Les trois premiers n’ont pas résisté longtemps et j’ai subi le même sort. Il n’y avait plus de nouveautés et les machines disparaissaient. Le truand de première classe encaissait toutes les valeurs des 4 associés et vendait les machines.

Entre temps, en 1932, ne sachant pas ce que deviendrait mon affaire, j'avais installé un élevage de poule, mais mes enfants préféraient aller se baigner que d'assurer la nourriture à ces logopetites bestioles et j'ai perdu dans cette affaire 250 000 francs.
Et un jour, j'ai rencontré par hasard un actionnaire qui ignorait tout et donnait toujours de l'argent. C’était un général en retraite (le paravent) qui ignorant les agissements de l’escroc, lui versait des sommes importantes sur la fortune de son épouse. C’est lui qui a perdu la plus grosse somme. Je l'ai mis au courant, et les actionnaires ont dû verser une indemnité pour chasser cette crapule et ils m'ont demandé si j'acceptais de réorganiser mon ancienne affaire, il y avait 420 000 francs de dettes en 1935, et plus de machine, ni de modèle, mais il y avait mon nom, celui qui ne devait pas être entaché par une faillite et j'ai accepté.


ArsèneNous avons recommencé à manger des haricots sans beurre et boire de l'eau, et petit à petit, nous avons racheté des machine et créé de nouveaux modèles.
C'était bien reparti et j'avais même acheté un terrain à Orsay, pour y construire une maison assez importante pour toute la famille. La maquette était réalisée ainsi que les plans. Ma femme rentre à l'hôpital pour une appendicite et c’était la jaunisse, le lendemain matin, on m'annonçait la triste nouvelle.
Je construisais quand même la maison et le toit était fini, le jour de la déclaration de cette nouvelle guerre.


Puis c'est l'exode où j'amène des fainéants et ingrats, une erreur sans pareille. On revient et malgré l'occupation et mon affaire devint de plus en plus florissante. Fin avril 1942, je reçois un coup de fil m’annonçant la visite de M. Fischer. Je n’avais pas prêté attention à ce nom, croyant que c’était un client, quand il est arrivé accompagné d’un officier allemand. Il m’a dit qu’il venait pour me donner du travail. Je lui ai répondu que du travail j’en avais. « Oui mais c’est pour nous que nous venons. » dit-il, en me promettant naturellement que mon intérêt était d’accepter car j’aurais de l’essence et tout ce que je pourrai désirer.
J’ai d’abord commencé par dire que nos machines étaient petites, que nous avions du petit travail, et qu’elles n’étaient pas en bon état. « Nous vous donnerons le moyen de les réparer !»
J’étais au pied du mur, je lui ai dit que je n’avais jamais rien fait pour notre armée à cause de mon handicap et que je ne voulais pas travailler pour eux. Il m’a répondu « c’est ce que nous verrons ». Ils sont entrés dans les ateliers et ont relevé le n° des machines et en partant, il m’a dit « c’est votre dernier mot ? ».  « Oui » lui ai-je répondu.
Le lendemain, je recevais un ordre impératif de fermer mon usine le 20 juin, pour en connaitre plus j’ai relancé M. Fischer au Petit Palais, pour lui demander de bien vouloir m’autoriser à faire des réparations, il m’a répondu « Vous fermez le 20. » Je devais conserver une secrétaire pour répondre à leurs questions, un magasinier et me tenir à leur disposition et … il m’a oublié. Peut-être s’est-il dit qu’il en ferait autant à ma place. C’était le directeur de la société Zeiss à Paris et il me connaissait pour m’avoir vu au syndicat. Patronal, heureusement, ils ne sont jamais revenus.
Sont venus aussi me voir deux grands collabos qui m’ont demandé le nom et l’adresse de mes 56 ouvriers. Je ne me rappelle pas si j’ai répondu que je les avais envoyés ou que je les enverrai ; ces deux salopards ne sont jamais revenus.


Le 19 juin 1942, j’ai rassemblé mes 56 ouvriers et leur ai dit « la maison ferme demain. Tranquillisez-vous ceux qui veulent travailler pour les Allemands n’ont qu’à me le faire savoir. »
Je n’aurai jamais l’occasion de ressentir autant d’émotion que quand l’ensemble de ces braves gens se sont mis à pleurer en me disant qu’il n’en était pas question. Je les ai consolés en leur disant que je m’étais mis d’accord avec un client à qui je remettrai mon stock, toutes mes machines et outillages concernant les obturateurs et tout mon stock de pièces au prix du jour jusqu'à la fin des hostilités, à la condition qu’il prendrait en charge tout mon personnel et mettrait à la place de mes machines un matériel équivalent, il me l’a juré sur l’honneur, il était le PDG d’une usine de Lagny.


Il devait remplacer mes machines par d'autres à peu près semblables, il m'a apporté à la place des morceaux de ferraille et si les allemands étaient venus vérifier les outillages qu'ils avaient pris en note sur des registres de l'armée d'occupation, mon compte était réglé.
Je fais un effort qui déclenche une hémorragie méningée ; on me sauve en pratiquant des ponctions lombaires, mais je n'aurais plus le droit de travailler et surtout de la tête. Je n'ai pas pu dire à mon sauveur que je m'étais remis au travail. C'était un israélite et ils l'ont tué ; il me fallait continuer à lutter et j'ai réussi, si je n’avais pas réagi mon affaire était perdue.


La guerre terminée, le "traitre" ne m’a rendu mes machines, en mauvais état, que quelques mois plus tard et après avoir copié les calibres et les outillages pour pouvoir continuer à me faire de la concurrence, de plus comme il était membre important du syndicat il m’a pistonné à la production industrielle or que je ne reçoive pas de matières premières. Et pour m’empêcher de construire une usine sur un terrain que j’avais acheté, ce vilain monsieur a fait avec mon matériel une fortune énorme, mais comme ce qui est mal acquit ne profite pas, il a fait de mauvaises affaires pour ne pas dire plus.


A la fin de la guerre, j'étais de nouveau à zéro ayant obligé de garder du personnel pour répondre aux questions que l’on aurait eu à poser, j’ai recommencé avec ma fille, ma future femme et mon gendre quand il a été démobilisé 'Il était prisonnier en Allemagne) et est venu nous apporter son concours efficace et sans limite.
Mais alors que les ouvriers touchaient intégralement leurs salaires, nous nous contentions un minimum vital et cela a duré tant que nous n'avons pas été à flot.


Et puis après tant d'efforts et d'économies, ça recommençait à briller un peu. Un client nommé Laroche nous passe une grosse commande. Il nous est impossible de donner suite ou il fallait vendre la maison d'Orsay qui nous avait tant coûté de travail et d'ennuis.
On la vend - l'électricité se met à manquer ; on installe au sous-sol un groupe électrogène toujours pour satisfaire le client en question, les fournitures rentrent et en faillite, il se sauve au Maroc ; nous pouvons mettre à la ferraille le groupe et toutes les fournitures, qui sont à son nom et je ne suis plus sur le sable, mais à la rue et sans logement.


Pendant la période de fermeture j’avais dessiné et exécuté en prototype un appareil qui possédait de hautes qualités ; la guerre finie, j’avais commandé l’ensemble de l’outillage qui représentait une somme énorme pour nous à l’époque.
On m’a cambriolé et ceux qui ont fait le coup connaissaient l’existence du proto. Ils l’ont vendu et avant que je puisse réaliser la fabrication j’ai été prévenu par un représentant qui devait se charger de la vente qu’il était vendu sur place à un prix inférieur à celui que j’aurais pu le faire, tout a été perdu.


Nous avons vécu 7 ans dans une pièce de 4 x 3 m sans eau ni gaz, 7 ans dans 2 pièces de 3 x 3, et un peu à l'hôtel ou dans une pièce où il y avait pour 2 un lit de 80 cm et dans une arrière-boutique de 5 x 6.

Arsène épousera Raymonde Dupuis, en 1966.

Je suis parti en exode avec ma famille et celle qui devait devenir ma 2ème femme. A 23 ans, elle avait 36 000 francs d'économie, elle m'a aidé de son mieux.

Quand la guerre a été terminée, nous avons décidé de payer notre écho, aussi bien pour la nourriture que pour les distractions. Si nous allions au cinéma nous payons chacun notre place, et cela a duré assez longtemps : à une femme comme celle-là on peut confier son porte monnaies, elle est l'économie personnifiée.
J'ai été heureux d'avoir près de moi un être assez intelligent pour me conseiller quand je me trouvais dans l'embarras et assez économe pour pouvoir se priver même au-delà de la mesure, quand cela était nécessaire, alors que d'autres sont capables de dépenser avant même d'avoir encaissé. Nous n'aurions pas pu nous entendre si elle avait été dépensière inutilement.
Quand on a le nécessaire, le reste est superflu.

J'ai quelquefois l'impression de ne pas avoir donné toute la mesure de mes possibilités, mais j'ai eu tant d'embuches que je considère que quand on a fait tout pour le bien et par une route toute droite, on ne doit avoir trop de regrets.


LES ACTEURS PRINCIPAUX

Arsèn Yvonne Roger Raymonde
Arsène Gitzhoven (1893-1976), fondateur, a été PDG de 1917 à 1960.
Yvonne Gitzhoven (1916-2012), épouse Pflieger, est la fille d'Arsène. Elle entre à l'usine de son père au service de la paie. Elle deviendra ensuite directrice financière, puis PDG de Gitzo, en 1960.
Roger Pflieger (1916-2012) entre chez Gitzo en 1945. Il s'occupera des ateliers et de la production. Il sera directeur technique, et PDG adjoint à partir de 1992. Son prénom est Jacques, mais son prénom et son nom étant jugés trop durs à prononcer, tout le monde l'appelait Roger, son second prénom qu'il préférait.
Raymonde Dupuis (1917-1989), épouse Gitzhoven, rencontre Arsène Gitzhoven en 1936, avec lequel elle passera le reste de sa vie.
Elle travaillera une dizaine d'années au sein de l'entreprise Gitzo, puis créera en 1950, avec Yvonne Gitzhoven, une société  de prêt-à-porter, dont elle sera la gérante.
Elle aura plusieurs magasins à Paris, le siège social étant 17, rue Montbrun.



LES LIEUX DE PRODUCTION


Gitzo, au gré de ses succès et de ses déboires a eu plusieurs adresses.
Reprenons l'histoire ...

En 1917, l'entreprise créée par Arsène pratique la découpe, l'emboutissage et le pliage de pièces métalliques. Cela se fait dans un petit local de 3 x 5 m, situé au 66 de la rue de la Santé, près de l'Hopital Sainte-Anne.
Les bombardements allemands de 1917 contraignent des entreprises à s'éloigner de Paris. Arsène déménage à Tulle où il poursuit son activité jusqu'à la fin de la guerre.

Une fois la guerre terminée, en 1919, Arsène rentre à Paris. Il installe son entreprise au 4, rue Maurice Mayer, dans le 13ème arrondissement de Paris. Le local est plus grand que celui qu'il occupait précédemment.

En 1925, la production d'obturateurs prend de l'importance et Arsène a d'autres projets. Il loue des ateliers au 3 et 5 de la rue Bullant. Ils communiquent avec le 4 de la rue Maurice Mayer. Avant 1930, il fabriquera des appareils à plaque, entièrement métalliques, puis des foldings.


En octobre 1930, la S.A. GITZO est créée. Les fabrications et le siège restent au 4, rue M. Mayer.

En 1936, l'usine fabrique 750 obturateurs par jour. Gitzo embauche beaucoup, il y a 120 personnes à la production. Le nouveau personnel bloque l'usine lors des grèves. A la fin de celles-ci, il n'est pas possible de redémarrer la production, le matériel de fabrication ayant été abimé. Gitzo perd toutes ses commandes. Il faudra plusieurs mois avant de pouvoir reprendre l'activité.

L'histoire (compliquée) du 45, avenue d'Italie

Sur les documents de la vente, la seule obligation faite à l'acheteur est de démolir l'ancien immeuble pour reconstruire. Arsène fait démolir l'immeuble, puis dépose un permis de construire, le 20 novembre 1944,
concernant un bâtiment de trois étages et deux bâtiments à rez de chaussée à usage industriel. Le permis est refusé à cause de l'usage industriel. Il ne doit pas y avoir d'usine sur cette avenue principale de Paris, seulement des logements.

Une seconde demande de permis suit, pour un immeuble de bureaux sur trois étages avec un atelir au RDC. Refusé en 1952 !

Arsène sait qu'il aura du mal à trouver des locaux suffisamment grands pour la fabrication et le stockage, comme rue Bullant. Il dépose une nouvelle demande de permis de construire, le 1er juillet 1957, pour un immeuble à trois niveaux de boxes pour voitures et deux étages d'habitation.

Ce permis est enfin accordé. Arsène construira les trois niveaux de boxes, mais pas les étages d'habitations. La S.A. Gitzo se réservera une vingtaine de boxes pour stocker ses productions. Le reste est loué sous le nom d'Italie Boxes.

Le 20 juin 1942, l'usine est contrainte à la fermeture, Arsène ayant refusé de travailler pour l'armée allemande. Arsène Gitzhoven s'arrange avec un ami en lui confiant son personnel, ses machines et ses outillages pour continuer à fabriquer ses modèles d'obturateurs pendant la guerre.


Le 18 aout 1943, Arsène Gitzhoven achète un terrain situé au 45, avenue d'Italie (Paris 13ème) afin d'y contruire une usine. Celui à qui Arsène a cédé son personnel et son matériel est un élu qui l'empêche de construire cette usine. Elle finira par être construite, sur trois niveaux, mais ne servira que comme lieu de stockage pour la société.




En 1945, Arsène Gitzhoven récupère avec difficulté, ses outillages. Celui auquel ils avaient été prêtés les copie avant la restitution et continue après guerre la fabrication, en concurrence avec GITZO. Arsène l'appelle le traître dans ses notes autobiographiques.


Raymonde et Yvonne Secrétaire
Yvonne Gitzhoven, Directrice Financière, assise dans son bureau du 4, rue Maurice Mayer (Paris 13) aux environs de 1945 /50. A coté d'elle, Raymonde Dupuis.
La secrétaire d'Arsène Gitzhoven, dans son bureau au 4 rue Maurice Mayer, dans les années 45/50. Le dernier travail qu'elle fera pour AG, quand il sera en retraite, sera de taper son mémoire.


En 1955, Arsène Gitzhoven est exproprié du 4, rue Maurice Mayer et de la rue Bullant. Il a du mal à trouver des ateliers sur Paris. Un lundi matin, ses employés lui disent qu'ils ont vu un immeuble à vendre dans le 13ème. Arsène va voir, et malgré les étages, l'achète. Il le rallonge, le rénove entièrement, y installe un monte-charge. L'immeuble est prêt à la fin de décembre 1956.

Usine avant Usine
Avant travaux Après

Le 1er janvier 1957, la production démarre au 22 - 28, rue de la Pointe d'Ivry, Paris 13ème. La réception de la clientèle est au 28, le 22 étant l'entrée du personnel.


Dans une petite cave, il y a un générateur, fournissant du 380 volts, ainsi qu'un gros compresseur alimentant l'usine en air comprimé. L'usinage des trépieds, des têtes, des rotules et des obturateurs se fait au rez de chaussée.

Bureau Arsène
Au second étage, se trouvent les services administratifs et la Direction. Ci-dessus, le bureau d'Yvonne.

Au 3ème étage, sont stockés les produits finis et les pièces détachées.

La petite boutique jaune était ouverte quelques heures, dans l'après-midi, afin que les clients puissent venir y retirer leurs commandes de pieds.
Elle était tenue par un couple de personnes très âgées, retraités de Gitzo. Elles se situait un peu plus bas dans la rue de la pointe d'Ivry.
En 1972, elle n'est plus ouverte que sur rendez-vous, et sert de vitrine (à notre époque, on dirait Show-Room). Les retraits de marchandises se font à 95% à l'usine.

Petite Boutique
Le 40


En 1989, Yvonne Gitzhoven créé un second site au 30, rue de la Pointe d'Ivry,
puis, au 15-17, rue Charles Bertheau, toujours dans le 13ème arrondissement.













La vente de Gitzo S.A.

En 1992, la Société Anonyme GITZO est vendue à la société Vitec, qui transfèrera rapidement les fabrications à Créteil.
Jacques et Yvonne n'ont pas d'enfant et souhaitent partir en retraite. Ils ont 76 ans. Les employés sont tous repris par Vitec. La fête pour le départ à la retraite de Roger sera une belle fête, mais un peu empreinte de tristesse. C'est la fin d'une époque.

Document commémoratif



Passage Vitec




LA VIE DE LA SOCIETE

Il reste peu de photos de la vie intérieure de la société.
En 1967, une employée demanda l'autorisation pour que la fête de son mariage se déroule à l'intérieur des locaux de l'entreprise.
Malheureusement, le photographe rencontra un gros problème, et seules deux photos purent être sauvées.

Mariage

L'entreprise fermait en août. Les employés se voyaient remettre, avant le départ, une petite carte leur souhaitant de bonnes vacances.
Cette carte, accompagnée d'un chèque, était dessinée par Yvonne.

1988
1980

Les clients et fournisseurs étaient informés de la fermeture par des petits cartons.

Congés

Au moment des fêtes de fin d'année, Arsène et Yvonne envoyaient à leurs clients et fournisseurs des cartes de voeux personnalisées. Yvonne dessinait certaines d'entres elles.

  • Blabla

    1959

  • blablbla

    1962

  • blabla
  • 1971

    1971

  • 1977

    1977

  • Carte
  • 1967

    1967

  • 1968

    1968



La carte de 1963, dessinée par Gérard Fournerie, à trois volets, s'inspire du Petit Train-Rébus de Maurice Bruno.

1963


Guy Raynaud (ouvrier, puis responsable de production de 1972 à 2005) raconte une entreprise formant une grande famille, où chacun se connaît bien, où les salaires sont bons et les primes nombreuses, où les patrons sont très à l'écoute des problèmes des employés (prêt d'argent à taux 0), où l'entreprise double le montant des quêtes faites à l'occasion des mariages. Si Yvonne ne descend pas systèmatiquement dans les ateliers (milieu assez masculin), Roger vient serrer la main de chaque ouvrier.
Roger reçoit les employés dans son bureau lorsque ceux-ci ont des problèmes personnels afin de chercher à les aider. Roger qu'on ne voit que rarement sourire sur les photos, n'est pourtant jamais le dernier pour la plaisanterie.

Guy se rappelle de quelques passages d'Arsène, au début de sa carrière chez Gitzo. Il en garde le souvenir de quelqu'un de très gentil, très simple.

Le chiffre d'affaire était essentiellement constitué par les ventes de trépieds, de têtes et d'obturateurs. Gitzo était une entreprise qui tournait bien, assurant de bons revenus à tous.


L'année 1987 fut l'occasion de deux fêtes : une pour les 70 ans de l'entreprise et l'autre, dont il reste ces photos, pour la médaille de 50 ans de travail d'une ouvrière de l'entreprise, surnommée Tata.

Tata Roger
Yvonne, et Tata, 50 ans de travail chez Gitzo Roger et Yvonne
Roger Roger
Roger (et son appareil Canon AF 35ML) et des employées des services administratifs

 


GITZO A L'INTERNATIONAL

Les marchés américains et japonais étaient des marchés très importants pour Gitzo. La notoriété auprès des professionnels était grande, mais la marque était moins connue des amateurs.
Au Japon, un premier distributeur avait fait peu de cas du marché amateur. A partir de 1973, c'est Osawa qui distribua la marque française dans plus de 300 magasins de l'archipel nippon.


Lettre OsawaCarte Osawa

Pour le démarrage sur le marché amateur japonais, de grands logos en plexiglas (15 x 12 cm) furent réalisés par Osawa.
Arsène, Yvonne et Roger possédaient les trois seuls exemplaires envoyés en France. Celui-ci a appartenu à Arsène.


Jpaon 1974


Bien qu'à la retraite depuis de nombreuses années, Arsène continuait à s'investir dans le développement à l'international de la marque. Ainsi en témoigne, la lettre envoyée à Arsène par l'importateur américain.

Karl Heitz

Lors d'une convention de photographes professionnels, Karl Heitz, l'importateur pose sous le trépied de 10 pieds.



LES SALONS

Photokina 1954

En 1954, le stand de l'entreprise était assez modeste. La participation a un salon était coûteuse et Arsène n'y était pas favorable. C'est Yvonne qui finit par avoir raison. Le chiffre
d'affaires progressa au gré des présences sur les salons.
De gauche à droite : Roger, Arsène, Raymonde, Yvonne et deux membres du personnel.
Photokina 1954
Fin des années 50

Au début des salons, le stand change souvent.
Ils seront progressivement de plus en plus grands,
et finiront par peu évoluer chaque année.
Yvonne est entourée de personnel Gitzo.
Photokina 1954
1960

A gauche, Raymonde et au centre, en noir, Yvonne.
Salon 1971

Salon de la photo 1965

Le salon est animé par Jean-Paul Rouland, qui fait un passage sur le stand Gitzo.
Le réprensentant de Gitzo est reconnaissable à son badge.

JP Rouland

Un salon en 1967

Yvonne, PDG de Gitzo, reçoit des clients.

Sur la seconde photo, alors qu'un client discute avec un vendeur Gitzo, Yvonne, Arsène et Raymonde se laissent surprendre par le photographe.

Un peu de recul permet de mieux voir le stand. Raymonde est toujours présente.

Salon 1971
Stand 1967
Salon 1967
Salon de la Photo de 1971

On remarquera sur la photo du bas, les pieds destinés à la télévision.
Salon 1971
Salon 1971
Salon de la photo 1973 Salon 1971
Salon 1971
Photokina 1974
Photokina 1974

Gitzo reçoit le prix du grand obélisque. Ce prix était décerné par les responsables du salon aux entreprises qui n'avaient manqué aucun salon en 20 ans. Seize entreprises allemandes reçurent ce prix. Gitzo fait partie des douze entreprises étrangères récipiendaires. De gauche à droite : un inconnu, Raymonde, un inconnu, Yvonne, Roger, une inconnue, Arsène, un inconnu. Ce sera la dernière participation d'Arsène à un salon.




LES PRODUITS

Beaucoup connaissent la marque pour ses pieds, mais Gitzo c'est beaucoup plus que cela, y compris dans quelques fabrications originales.


LES DECLENCHEURS


La production de déclencheurs par Gitzo fut pléthorique, en quantité et en nombre de modèles différents. La page du catalogue 1960 présentée ci-dessous en donne une petite idée. Nous ne présenterons que quelques modèles, emblématiques de la marque ou originaux.


Déclencheurs Gitzo
Catalogue Déclencheurs
Déclencheur
Déclencheur pour appareil photographique
Brevet n°999.884 du 23 janvier 1946
dépôt par Arsène Gitzhoven
Electro
Electro Gitzo (Déclencheur à commande électrique pour obturateur d'appareil photographique)
Brevet n°1.131.910 du 1er avril 1955
dépôt par Gitzo

Déclencheur


Allonge pneumatique


L'allonge est un déclencheur à distance utilisant la force pneumatique. L'utilisateur dispose d'une poire qu'il doit presser fortement pour comprimer l'air se trouvant dans le tuyau, et exercer ainsi une force sur le piston métallique situé à l'autre extrémité de l'allonge. Ce piston, poussé par l'air comprimé, déplace une tige métallique qui est fixée sur le filetage du déclencheur de l'appareil photo.


 

Allonge pneumatique

LES OBTURATEURS

Brevet déclencheur Brevet
Déclencheur d'obturateur
Brevet N°707.861 du 15 décembre 1930
dépôt d'Arsène Gitzhoven
Perfectionnement aux obturateurs pour appareils photographiques
Brevet N°707.860 du 15 décembre 1930
dépôt par Arsène Gitzhoven
Us Patent Brevet
Shutter for photographic apparatus
Brevet américain N° 1.953.556 du 4 août 1932
Obturateur photographique
Brevet N°764.665 du 29 novembre 1933
dépôt par Gitzo
Addition brevet Obturateur
Obturateur à au moins trois volets pour appareil photographique
Addition N°56.280 au Brevet N°984.948 du 16 octobre 1943
dépôt d'Arsène Gitzhoven
Obturateur à deux volets pour appareils photographiques
Brevet N°985.963 du 18 novembre 1943
dépôt d'Arsène Gitzhoven
Obturateur Obturateur
Obturateur d'appareil photographique
Brevet N°992.313 du 15 juin 1944
dépôt d'Arsène Gitzhoven
Commande perfectionnée d'obturateur d'appareil photographique pour professionnels
Brevet N°992.314 du 15 juin 1944
dépôt d'Arsène Gitzhoven
Obturateur
Obturateur pour appareil photographique
(Brevet N°1.009.915 du 9 juillet 1948, dépôt d'Arsène Gitzhoven)

 Obturateur pour intérieur d'appareil
Gitzo

Eclaté d'un obturateur pour Olbia


Eclaté



Gitzo vendait des obturateurs sous son nom, mais en vendait aussi beaucoup à des fabricants d'appareils photo qui apposaient leur propre marque, à la place de celle de Gitzo.



(Id : 212)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Gitzo
(Id : 300)
P, 1/25, 1/50
Gitzo

(Id : 233)
T, B, 1/100, 1/50, 1/25
Gitzo
(Id : 230)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Synchro-flash
Diamètre : 49 mm A déclenchement latéral.
Gitzo

(Id : 229)
B, 1, 1/2, 1/5, 1/10, 1/25, 1/50 , 1/100, 1/300
Armement préalable
Synchro-flash
Gitzo
(Id : 228)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Synchro-flash
A déclenchement latéral. Diamètre : 46 mm
Gitzo

(Id : 223)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Synchro-flash
Identique au 212, mais avec la synchro en plus.
Gitzo 1
(Id : 2)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Diamètre : 46 mm. Existe en 55 mm. A déclenchement direct.
Gitzo 1
1
(Id : 240)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Diamètre : 55 mm
Existe en 46 mm. A déclenchement direct. Le 55 mm a un petit ergot facilitant la sélection de la vitesse.
Gitzo 11
(Id : 227)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/125
Armement préalable
Diamètre : 46 mm A déclenchement latéral.
Gitzo 1
1R
(Id : 210)
Retardateur
Identique au modèle 1, mais avec retardement.
2R
(Id : 205)
1/25, 1/50, 1/100, 1/150, B, T
Retardateur
Diamètre : 58 mm
Gitzo 2R
55 mm
(Id : 231)
T, B, 1/100, 1/50, 1/25
Gitzo 55 mmArt Déco
(Id : 234)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100
Diamètre : 58 mm Déclenchement direct.
Gitzo Art Déco
Coronet
(Id : 216)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Diamètre : 46 mm
Gitzo CoronetEdo Stéréo
(Id : 386)
Eljy
(Id : 299)
1/10, 1/25, 1/50, 1/100, 1/150, B, T
Armement préalable
Gitzo EljyEljy avec retardateur
(Id : 217)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100 et 1/125
Retardateur
Diamètre : 46 mm. Déclenchement direct.
Gitzo Eljy avec retardateur
Eljy sans retardateur
(Id : 219)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/125
Diamètre : 46 mm A déclenchement direct.
Gitzo Eljy sans retardateurLumière Nada
(Id : 248)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Gitzo Lumière Nada
MFAP Pontiac
(Id : 221)
B, 1/25, 1/50, 1/100
Diamètre : 58 mm Déclenchement direct.
Gitzo MFAP PontiacNorca
(Id : 225)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/300
Synchro-flash
Déclenchement direct Diamètre : 46 mm
Gitzo Norca
Reyna Cross II
(Id : 214)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/200
Gitzo Reyna Cross IIReyna Paris
(Id : 207)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/200
Gitzo Reyna Paris
Reyna Paris (Photal Damien)
(Id : 213)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/200
Avec Photogravure Photal Damien
Gitzo Reyna Paris (Photal Damien)Reyna-Cross III
(Id : 215)
T, B, 1/25, 1/50, 1/100, 1/200
Gitzo Reyna-Cross III
Rox
(Id : 218)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Diamètre : 58 mm
Gitzo RoxStereo
(Id : 220)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Diamètre : 56 mm
Gitzo Stereo
Telka XX
(Id : 222)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Diamètre : 58 mm. Déclenchement latéral.
Gitzo Telka XXType A
(Id : 206)
I, B, T
Très inspiré du Vario allemand. Diamètre 55 mm
Gitzo Type A
Type B
(Id : 208)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Ressemble au type A, mais dispose de vraies vitesses. Diamètre : 55 mm.
Gitzo Type BType B sans marquage
(Id : 232)
1/25, 1/50, 1/100, B, T
Diamètre : 55 mm.
Gitzo Type B sans marquage
Zotic 1
(Id : 226)
1/200, 1/150, 1/100, 1/50, 1/25, B
Armement préalable
Diamètre : 58 mm. Déclenchement latéral.
Gitzo Zotic 1



AU RENDEZ-VOUS DES GROS


Gitzo a aussi fabriqué des obturateurs de grande taille (244, 154 et 125 mm de diamètre), destinés au marché professionnel. Certains étaient associés à une rondelle universelle pour montage à l'arrière de l'objectif.

Diamètre 154 mm, ouverture 74 mm, objectif 86 mm (avant et arrière)
Diamètre 154 mm, ouverture 74 mm, bague pour objectif de 115 mm Diamètre 154 mm, ouverture 74 mm, objectif bague pour 125 mm


Diamètre 154 mm, ouverture 74 mm, objectif bague pour 105 mm Diamètre 154 mm avec bague de 105 mm et objectif
Combiné 155 mm
Diamètre 154 mm, avec bague réductrice pour objectif de 65 mm Combiné (Obturateur et rondelle universelle, pour montage à l'arrière de l'objectif) de 155 mm, pour objectif de 98 mm maximum
125 mm
Diamètre 125 mm, pour positionner sur l'objectif de l'appareil. Il n'a pas de bague de fixation sur planchette Diamètre 125 mm, ouverture 59 mm avec bague pour objectif de 55 mm
Diamètre 125 mm, avec bague pour objectif de 50 mm Diamètre 125 mm, avec bague pour objectif de 60 mm
Combiné 125 mmombiné 125 mm
Combiné (Obturateur et rondelle universelle) de 125 mm, pour objectif de 60 mm maximum

 
LES RONDELLES UNIVERSELLES

Les rondelles universelles se fixent à l'avant des chambres d'atelier. Leur iris réglable permet de maintenir en place un objectif, quel que soit son diamètre (dans la limite du diamètre intérieur de la rondelle).

Rondelle Universelle Rondelle
Rondelle universelle pour fixation sur chambre ou planchette 24 x 80 x 120 Rondelle universelle pour objectif ou obturateur Gitzo 15 x 60 x 89


 

LES APPAREILS PHOTO


Plusieurs appareils sont attribués à Gitzo. Il existe un brevet (N°992.122 du 12 mai 1944, dépôt par Arsène Gitzhoven) pour un modèle d'appareil en particulier.
De rares photos montrent un prototype avec le nom de Gifax.


 

Brevet Appareil
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